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Photo de groupe au bord du fleuve

  • Valérie Goma © DR

VALÉRIE GOMA

adaptation du roman d’Emmanuel Dongala

Dans le roman d’Emmanuel Dongala, l’emploi de la deuxième personne du singulier attire immédiatement le lecteur dans l’aventure palpitante de Méréana, cette femme que rien ne destinait à casser des cailloux au bord du fleuve Congo, révélée par les circonstances, embarquée dans une folle équipée. Et toi avec. Le tu se diffracte en éclats de je. Une langue truculente, très orale, te parle littéralement et appelle son incarnation. Ainsi se rêve l’adaptation théâtrale.

Transposer pour le plateau.
Transformer sans dévoyer la texture originale. Trahir pas trahir. Choisir donc renoncer. Sélectionner. Couper pas sectionner. Trancher pas sanctionner. Rien ajouter. Ablater pas blablater. Conversion au présent pas systématique. Exfiltrer soigneusement des bribes de dialogue, conserver des salves de récits individuels. Redistribuer la polyphonie. Prélever les paroles rapportées, pas toutes. Faire entendre de multiples voix de femmes et d’hommes. Démêler les entrelacs du récit…
Manipuler une matière stylisée, particulièrement flamboyante, déjà vivante et active. Transvaser, verser une substance infiniment précieuse dans un autre contenant, avec la prétention de ne perdre ni la saveur ni la singularité, ni l’énergie premières – cette vigueur langagière qui est la marque de fabrique d’Emmanuel Dongala.
Adapter sans trahir, s’approprier le texte-source, s’en détacher et re-créer.
Accueillir une langue trouée. Une langue à jouer, à loger dans des corps vivants.
Adapter c’est déjà jouer.
À Cayenne aussi on cassa des cailloux.

 

Valérie Goma vit à Cayenne où elle enseigne et travaille au sein de la compagnie Théâtre de la Ruche.

Avec le soutien de la Direction des affaires culturelles de Guyane ; de la Chartreuse-CNES.